La Bio comme rempart au cadmium
La Bio comme rempart au cadmium
Alors que les médecins libéraux alertent sur une contamination croissante de la population française au cadmium, cancérogène reconnu et toxique environnemental majeur, l’agriculture biologique apparaît comme un levier clé pour réduire l’exposition alimentaire. En interdisant les apports en engrais phosphatés issus de gisements très chargés en métaux lourds, la Bio se distingue une fois encore par sa capacité à protéger la santé publique.
À l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, les Unions Régionales des Médecins Libéraux (URPS) ont tiré la sonnette d’alarme : le cadmium, métal lourd cancérogène classé groupe 1 par le CIRC, est omniprésent dans notre environnement et surtout dans notre assiette. Les engrais phosphatés importés, en particulier ceux provenant du Maroc où les teneurs en cadmium sont élevées (entre 38 et 100 mg/kg), sont pointés du doigt. La France, qui importe 90% de ses engrais de cette région, maintient des normes de 90 mg de cadmium par kilo d’engrais phosphatés, quand l’Europe est à 60 mg/kg et que l’ANSES recommande 20 mg/kg pour stabiliser la contamination. Cette accumulation annuelle dans les sols a des conséquences directes sur les cultures. Le cadmium pénètre facilement dans les végétaux par leurs racines, contaminant ainsi la chaîne alimentaire.
Une imprégnation au cadmium qui explose en France
Les chiffres présentés par les URPS Médecins Libéraux et corroborés par les données de Santé Publique France sont édifiants. Entre les études ENNS (2006-2007) et ESTEBAN (2014-2016), l’imprégnation moyenne au cadmium chez les adultes français a quasiment doublé, passant de 0,29 à 0,57 µg/g de créatinine. Une valeur d’autant plus inquiétante que les seuils critiques d’exposition débutent dès 0,5 µg/g. Cette imprégnation est trois fois supérieure à celle des adultes américains et plus de deux fois à celle des adultes italiens.
La situation est encore plus critique chez les enfants, avec des taux moyens qui dépassent ceux des adultes de l’étude ENNS. Les données comparatives sont alarmantes : l’imprégnation des enfants français est quatre fois supérieure à celle de leurs homologues américains ou allemands.
L’Anses révèle par ailleurs, en 2023, que jusqu’à 36 % des enfants de moins de 3 ans et 14% des 3-17 ans dépassent la dose journalière tolérable d’ingestion de cadmium. Cette surexposition précoce est en partie liée à la consommation de certains aliments comme les céréales du petit-déjeuner.
Les aliments les plus contributeurs à l’apport en cadmium sont le pain et les produits de panification (22 % et 13 % respectivement), les légumes (notamment les épinards), les pommes de terre (12 %) et les produits qui en contiennent (14 %). D’autres aliments comme les crustacés, les mollusques, les abats, les biscuits sucrés et salés, les barres de céréales, le chocolat et les algues ont également des teneurs élevées. Il est important de noter que la carence martiale peut être un facteur aggravant pour la pénétration digestive du cadmium.
Un fléau de santé publique
Le cadmium est un toxique cumulatif avec une demi-vie estimée entre 6 et 38 ans dans les reins et 4 à 19 ans dans le foie. Une fois dans l’organisme, il s’y installe durablement. Ses effets délétères sur la santé, désormais bien documentés, sont multiples et graves : cancers du rein, du poumon, du pancréas, perturbation endocrinienne, atteintes rénales, fragilité osseuse et augmentation du risque d’ostéoporose. La flambée du cancer du pancréas en France, dont le nombre de nouveaux cas annuels a triplé en 20 ans, est particulièrement préoccupante, d’autant que des études démontrent l’impact du cadmium sur ce type de cancer.
Face à ce constat alarmant, les URPS Médecins Libéraux souhaitent mettre en place une campagne d’information dans les cabinets libéraux et ont adressé un courrier au Gouvernement pour demander un alignement le plus rapide possible sur les recommandations de l’Anses sur la charge en cadmium maximale des engrais phosphatés (l’Anses précisant que cette valeur permettra la stabilisation de la contamination seulement après plusieurs décennies).
L’agriculture biologique : un rempart crédible
Contrairement à l’agriculture conventionnelle, qui utilise, l’agriculture biologique n’utilise pas d’engrais phosphatés, privilégiant les matières organiques provenant directement de la ferme (lisier, fumier, compost…). Une méta-analyse de 343 publications scientifiques (Baranski et al., 2014) confirme cet avantage : les aliments issus de l’agriculture biologique contiennent en moyenne 48 % de cadmium en moins que leurs équivalents conventionnels. Même si certaines terres peuvent porter les stigmates d’anciennes pratiques, les systèmes bio offrent une voie durable pour réduire l’exposition. Bio Linéaires y faisait déjà référence dans son numéro de janvier 2023 (BL N°105).
Les professionnels du secteur bio ont ici un rôle stratégique à jouer : renforcer la pédagogie sur les impacts sanitaires des modes de culture, valoriser leurs pratiques vertueuses, et continuer à se positionner comme des acteurs de santé publique à part entière. Dans un contexte où la défiance envers l’alimentation grandit, rappeler que la Bio réduit aussi l’exposition aux métaux lourds devient un argument essentiel.
D’autant que dans le cadre de la loi EGalim, la restauration collective devrait introduire au minimum 20 % de produits biologiques dans ses achats alimentaires. Sachant la forte imprégnation des enfants au cadmium, il devient urgent d’appliquer (enfin) cet objectif.